Témoignage de Françoise Cailloux

Témoignage de Françoise Cailloux, Fondatrice de Dyspraxique Mais Fantastique

Je suis la maman de Benjamin  porteur d’une dyspraxie visuo-spatiale constructive associé à un nystagmus (avec un trouble de la motricité globale : trouble de l’acquisition de la coordination TAC), Benjamin est notre premier enfant et nous n’avions pas réalisé qu’il avait un retard moteur, le médecin de PMI avait diagnostiqué un nystagmus aux yeux.

 

   Benjamin a alors été suivi en ophtalmologie, on lui a prescrit le port de lunettes pour hypermétropie. Puis des séances d’orthoptie.

  Mais ses problèmes visuels ne pouvaient être pas expliquer toutes les difficultés éprouvées par Benjamin. Il a marché le jour de son premier anniversaire, s’est étalé de tout son long et n’a plus voulu marcher jusqu’à ses 18 mois.Il était très pataud, pas du tout agile, avait du mal à descendre les escaliers, il courait de façon désordonnée, nous avions l’impression de voir courir un pantin avec les bras qui s’agitait. Il était fatigué pour manger et se débrouillait mal tout seul.

  En Ps et Ms, il ne manifestait aucun intérêt pour le coloriage, la pâte à modeler, les jeux de construction. En ms, il n’arrivait pas à faire du graphisme, pas de bonhomme, pas d’escargot, ni de traits verticaux , ni horizontaux , si on guidait sa main il regardait ailleurs, il ne pouvait repasser sur des traits pointillés ou conduire son feutre dans un circuit graphique (ou un labyrinthe). Il avait du mal à décoller les gommettes et ne les collaient pas au bon endroit. Il faisait tomber la colle, perdait les papiers à coller. Il découpait mais pas sur les lignes, ne faisait pas de boules en pâte à modeler. Il avait du mal à se souvenir de la comptine numérique, n’arrivait pas à compter les enfants à l’accueil ou en manipulant, il pointait mal les objets sur une feuille, surtout si les objets étaient tous pareil… Il aimait jouer avec les animaux de la ferme, les dinosaures (connaissait tous les noms hyper compliqués!) ou encore les voitures. Il n’arrivait pas à ranger, on aurait dit que chaque geste lui coutait !

  Il a redoublé sa MS de maternelle et comme je ne comprenais pas ses problèmes, il est venu dans l’école où j’enseignais. C’était plus facile de discuter avec ma collègue mais elle ne comprenait pas d’où provenait ses difficultés. Dès que l’on passait à un travail sur la feuille en autonomie, il était perdu. Mais quand on l’aidait en lui découpant les étiquettes, en lui passant la colle, en manipulant les étiquettes il arrivait à faire le travail par ex: reconstituer son prénom avec des lettres découpées, tous les gestes complexes (les séquences) lui posaient problème. Plus c’était gros et en gras, mieux il y arrivait, (dans certaines maternelles, on utilise des carbones bleues « ronéotypes » et çà c’était l’horreur).

  Quand il y avait trop d’info sur la page, il était perdu. Par contre, il reconnaissait les lettres, les figures géométriques, les chiffres, si on pointait les objets pour lui il arrivait à compter et avait compris la fonction du nombre. Je voyais qu’il était intelligent et comprenais tout . Il s’intéressait beaucoup aux sciences et posait des questions très logiques et pointues, il mémorisait des mots compliqués et avait un bon vocabulaire. Par contre en classe, il ne prenait pas facilement la parole et répondait juste quand on lui posait des questions précises. Il détestait le bruit et l’agitation et avait horreur du carnaval ou des fêtes (puis en GS cela a été mieux).

  Il n’arrivait pas à souffler les bougies de son gâteau d’anniversaire ! Il n’arrivait pas à s’habiller, mettre ses chaussures, avait besoin qu’on l’accompagne aux toilettes, il n’arrivait pas à frotter ses mains l’une contre l’autre pour les laver, ni à faire les gestes des comptines, ni à dissocier ses doigts. Il aimait écouter les histoires et regarder les vidéos et documentaires. J’avais remis au médecin de PMI en fin de moyenne section un premier bilan du neuropédiatre qui parlait de dyspraxie. Pendant l’été, nous avons revu le neuropédiatre qui nous a remis un bilan faisant état de la dyspraxie visuo-spatiale constructive, je lui ai posé des questions au niveau pédagogique mais ses réponses sont restées évasives. Le CMPP avait auparavant diagnostiqué un trouble des praxies et le Dr (qui avait travaillé avec des enfants IMC) m’avait expliqué certaines implications sur la vie quotidienne : difficulté pour le vélo, fatigue pour manger., mais personne du CMPP n’avaient expliqué les difficultés scolaires engendrées par ce trouble des praxies. J’ai remis un bilan du neuropédiatre à la directrice, il spécifiait que Ben avait besoin de l’aide d’une AVS du fait de sa dyspraxie visuo-spatiale. Mais on m’a répondu que cela n’était pas possible. Pendant les vacances , je l’ai fait travaillé avec la méthode des alphas (la K7 , les lettres sont déguisées et on apprend leur chant et pas leur nom alphabétique) il avait tout compris mais toujours ce pb quand on passait à la feuille et dés que la notion d’espace intervenait.

  Il est rentré en GS, j’ai eu mon troisième bébé et je n’étais pas présente à l’école, il s’est mis à bégayer, il fallait qu’il reste à la cantine et n’avait plus envie d’aller à l’école (sa maîtresse qu’il avait 3/4 de temps était très gentille, son autre maîtresse était la directrice) Mon mari m’a annoncé à la sortie de la clinique que la directrice avait parlé de l’orienter en CLIS. Et que nous allions avoir une réunion de l’équipe éducative. Nous avons alors parlé du bilan du neuropédiatre qui insistait sur la nécessité d’un accompagnateur de vie scolaire, seule la maîtresse nous a soutenu car elle avait remarqué que mon fils y arrivait beaucoup mieux dés qu’il était soutenu. Mais tout le monde : directrice, médecin scolaire, psy scolaire, psychomotricienne, secrétaire CCPE a refusé en disant que cela allait infantilisé Benjamin encore plus et qu’il fallait qu’il acquiert de l’autonomie seul. En plus , Benjamin était présent à la réunion car il y avait du retard et plus personne pour le garder dans l’école, c’était pénible de se concentrer avec lui qui voulait qu’on s’occupe de lui. On nous a conseillé la CLIS !sans spécificité J’étais alors très prise par mon bébé et j’étais très fatiguée.

  Le médecin scolaire m’a alors téléphoné pour me dire qu’elle venait d’aller à une conférence du Docteur Mazeau et avait découvert ce qu’impliquait une dyspraxie visuo-spatiale elle comprenait d’où provenait les difficultés de Benjamin !!!  

  Une de mes amies Irlandaise s’est mis à m’envoyer des mails. Jusque là je ne savais pas bien utiliser Internet et un soir j’ai eu l’idée de taper dyspraxie visuo-spatiale. J’ai alors découvert l’article du Docteur Mazeau qui décrivait mon fils , je crois que j’ai pleuré ! Le médecin scolaire qui avait eu un très bon contact avec Ben, nous nous sommes rencontrés à l’école, je lui ai donné l’article et à partir de là elle nous a aidé, elle a donné des explications aux maîtresses que j’ai complétées en lisant des mémoires d’enseignants spécialisés.

  Benjamin est passé au CP, la CDES lui a accordé un ordinateur pour pallier sa dysgraphie, un AVS à mi-temps qui adapte le travail, l’aide à se concentrer pour les manipulations, lui sert de secrétaire….Les enseignants ont joué le jeu (il y a eu 9 changements ! à cause d’un congé maternité) il a appris à lire et passe en CE 1 L’idée que d’autres enfants étaient dans le même cas que Benjamin nous a interpellé , pourquoi laisser tous ses enfants souffrir ! Pourquoi la dyspraxie est-elle si mal connue en France ?

   En février 2003, mon mari et moi avons décidé de réaliser un site internet conseil pour les parents et les enseignants, pour diffuser l’information sur la dyspraxie, aider les gens à comprendre la dyspraxie car les enfants peuvent y arriver si l’on met en place certaines adaptations et si on comprend leurs problèmes.

Avec d’autres parents, nous avons crée l’association Dyspraxique Mais Fantastique et depuis beaucoup de gens nous contactent et sont soulagés de réaliser qu’ils ne sont plus seuls.

Françoise Cailloux, maman de Benjamin.

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