Témoignage de la maman de Malia

Ci-dessous, le témoignage de la maman de Malia, présenté lors d’une CDAPH en juillet 2012.

Malia est née en 2003. Elle est autiste. Alors pourquoi ce témoignage sur un site de dyspraxie ? Pour vous montrer combien nos parcours sont similaires dans leurs difficultés.

 

 Mais aussi pour vous permettre de vous inspirer de ce témoignage lorsque vous préparerez le projet de vie de votre enfant.

 Au moment où je vous écris, la petite sœur de Malia a une suspicion de dyspraxie….

TEMOIGNAGE

Notre parcours face au handicap a commencé d’une manière particulière, sans que celui ci ne nous soit annoncé.

Malia a été vue au CAMSP à l’âge de 3 mois car elle était passée par le service de néo-natologie de l’hôpital. L’accouchement s’étant mal passé, Malia a eu une souffrance fœtale puis une déshydratation quelques jours après. Mais nous sommes sorties de la maternité fin août avec les paroles rassurantes du pédiatre résonnant à nos oreilles. La pédiatre en libéral qui a suivi Malia par la suite nous a rapidement parlé de souffrance fœtale, sans que nous comprenions réellement ce que cela impliquait …

Lors de notre premier rdv au CAMSP, nous venions de passer 3 longs mois de solitude avec ce bébé si particulier avec qui il était si difficile d’interagir. On nous a informés que Malia avait d’importants troubles moteurs et qu’elle devait être prise en charge en kinésithérapie et psychomotricité car elle risquait de ne jamais pouvoir marcher.

Elle avait beaucoup de mal à s’alimenter du fait d’une hypotonie bucco faciale. Difficultés à téter, déglutir puis, plus tard, impossibilité à croquer, mâcher et encore moins à coordonner tout cela avec la respiration. Le CAMSP ne travaillait pas cela avec Malia et ne nous a jamais conseillé à ce sujet. L’orthophoniste n’a été mise en place que bien plus tard, à ma demande.

Globalement, la prise en charge au CAMSP a été insuffisante car même si Malia était suivie en psychomotricité, la motricité fine n’a jamais été travaillée. Nous avons eu aussi une prise en charge inadaptée de la part de la psychologue au CAMSP. Malia a commencé ce suivi vers l’âge de 2 ans, après de gros progrès en motricité globale (marche acquise). À cette époque, Malia tenait mal les objets et ne tenait pas sa cuillère pour manger.

La psychologue du CAMSP s’est acharnée pendant plusieurs mois (en notre absence car j’étais dans la salle d’attente durant ces séances) à forcer Malia à dessiner alors que celle ci refusait, ne pouvant pas tenir un crayon. Devant ces piètres résultats, je demandais à celle-ci si Malia ne voulait pas, ou ne pouvait pas, dessiner. Elle fut catégorique, Malia ne voulait pas.

À l’heure actuelle, Malia ne dessine toujours pas, tient mal un crayon et apprend à écrire par le biais de l’ordinateur.

Après ces quelques mois d’acharnement, Malia à fait un blocage durable pour toute activité nécessitant d’utiliser ce qui ressemblait de près ou de loin à un crayon. Il m’a fallu 18 mois, à force de patience et d’ingéniosité pour qu’elle puisse y revenir, et plus encore pour qu’elle y prenne un peu de plaisir. Il a fallu également attendre son 4ème anniversaire pour qu’elle arrive à tenir sa cuillère pour manger seule, avec beaucoup de difficultés quand même, puisque encore aujourd’hui dans les périodes de grandes fatigue, Malia nous demande de l’aide pour manger.

Voilà comment une prise en charge inadaptée peut amener un enfant à se sur-handicaper. Je peux comprendre qu’un professionnel ait ses limites, mais je ne peux que déplorer que les parents ne soient pas davantage écoutés, voire entendus. Malia a été prise en charge au CAMSP durant presque 4 années.

Nous avons commencé à suspecter l’autisme de notre fille lorsqu’elle était bébé et en avons parlé aux professionnels qui la suivait, CAMSP, neuro-pédiatre, lorsqu’elle avait 18 mois. (Elle ne répondait pas à l’appel de son prénom, ne nous regardait pas, ne pointait pas du doigt, n’imitait pas, avait des comportements stéréotypés, tous ces éléments étant des signes forts d’autisme).

Pendant 2 ans, ces professionnels nous ont affirmé que Malia n’était pas autiste, jusqu’à ce qu’un médecin neuro- pédiatre nous adresse au CRA, tout en nous assurant que Malia n’était pas autiste.

 Un an plus tard, (la durée d’attente de l’époque pour les évaluations; il est aujourd’hui de 2 ans) un diagnostic d’autisme typique sévère était posé. Malia avait presque 4 ans.

Que de temps perdu, quand on sait l’importance de prendre en charge ces enfants précocement, pour leur évolution future.

À cette époque, le CAMSP nous proposait l’hôpital de jour depuis une année, alors qu’ils n’avaient jamais posé de diagnostic autre que celui de retard global de développement, qui est plus un  » fourre tout  » qu’un diagnostic. En 4 années au CAMSP, nous n’avons rencontré la pédopsychiatre qu’une seule fois, lorsque Malia avait 3 ans et demi. Elle nous a reçu 30 minutes et a écarté le diagnostic d’autisme pour Malia.

Même si j’étais peu informée à l’époque, cela m’a semblé surprenant qu’on puisse écarter un diagnostic si rapidement quand autant de signes étaient présents. (La marche sur la pointe des pieds s’était ajoutée aux autres signes, entre temps, et l’absence de langage malgré une prise en charge en orthophonie.)

Entre temps, nous avions fait des recherches sur l’autisme, fait appel à des associations de parents, afin de savoir quel type de prises en charge était adapté aux multiples troubles de notre fille. Nous avons informé le CAMSP que nous ne souhaitions pas que Malia entre à l’hôpital de jour et nous avons fait les démarches pour que Malia puisse être scolarisée avec AVSI afin qu’elle bénéficie comme en halte garderie, d’activités socialisantes et du contact avec d’autres enfants.

Suite au diagnostic d’autisme et suivant en cela les recommandations d’autisme France en matière de prise en charge des enfants autistes, nous avons mis en place en libéral, une thérapie comportementale et cognitive, puis une remédiation cognitive et une guidance parentale avec neuro-psychologue spécialisée.

Lorsque, suite au compte rendu du CRA, j’en ai informé le CAMSP, le pédiatre et la psychologue nous ont dit que ce que nous mettions en place n’était pas  » compatible avec leur orientation  » et que donc ils ne suivraient plus Malia …

Suite au refus du CAMSP de poursuivre la prise en charge de Malia, nous avons donc dû mettre en place également un suivi en kiné, psychomotricité et ergothérapie.

Le CAMSP ne nous avait jamais conseillé de voir un ergothérapeute, malgré les difficultés évidentes de Malia en motricité fine.

Voilà comment une famille se retrouve prise dans une querelle qu’elle ignore, entre prise en charge psychanalytique et comportementale …

Par la suite, une orthophoniste spécialisée, nous a orientés vers une association pour une rééducation en réveil neuro-sensoriel. En effet, Malia ayant toujours de grosses difficultés pour se nourrir, qui étaient autant de freins pour l’accès au langage, il fallait stimuler la sphère buccale et lui apprendre à croquer, mâcher et coordonner tout cela, afin de faciliter ses repas et éventuellement lui permettre de parler. Malia a été immédiatement réceptive à cette rééducation et des progrès ont suivi rapidement.
Elle a pu dire ses premiers mots peu avant ses 6 ans et assez vite des phrases ont suivi car ses capacités de compréhension étaient à l’époque bien meilleures que ses capacités d’expression.

À l’heure actuelle, Malia ne cesse de progresser au niveau de la communication et les versants réceptifs et expressifs sont homogènes, ce qui est très encourageant pour la suite de son évolution.

Malia a, depuis la prise en charge en libéral et grâce à la scolarisation, fait d’énormes progrès sur tous les fronts. Elle a développé de nouvelles capacités, de nouveaux centres d’intérêt, ce qui est très porteur car les enfants autistes apprennent mieux et plus vite lorsqu’on passe par leurs centres d’intérêt pour les apprentissages.
De mon côté, j’ai suivi pendant 3 ans, différentes formations sur l’autisme par le biais d’associations de parents et avec une neuropsychologue qui suivait Malia à l’époque :

  • Formation générale sur l’autisme.
  • Formation sur les troubles du comportement dans l’autisme.
  • Stratégies éducatives,
  •  Communication par échanges d’images 
  • Formation à l’intégration sensorielle et les perceptions particulières dans l’autisme.

Cela m’a permis de mieux comprendre Malia et de mieux la prendre en charge au quotidien. Cela m’a aussi permis de pouvoir m’adapter à ses difficultés et ses besoins, ce qui fut et est encore un facteur essentiel dans son développement positif.

Actuellement, Malia continue à beaucoup progresser mais l’année scolaire qui vient de s’écouler m’amène au constat que rien n’est vraiment adapté pour elle, ainsi que pour les enfants autistes dans son cas, qui cumulent des troubles associés, et ont besoin d’autant de soins et rééducations que d’une prise en charge éducative.

Les portes se ferment à l’école élémentaire notamment, car Malia a besoin d’un accompagnement pour profiter pleinement de ce que l’école peut lui apporter et lui a apporté par le passé.
Au sein des structures également, puisque nous n’aurons pas l’agrément pour l’IEM (car Malia est non reconnue pour un handicap moteur), qui aurait pu répondre en grande partie aux besoins de Malia.

L’IME a une spécialisation précieuse pour les TED, mais malheureusement, peu de moyens en ce qui concerne le para médical : une orthophoniste et une psychomotricienne, dont je ne suis pas sûre qu’elles soient à temps plein sur le poste, ni qu’elles puissent fournir une prise en charge individuelle et individualisée à notre enfant.

C’est pourtant bien cela qui fait avancer Malia depuis 5 années maintenant et qui lui permet de se dépasser et de repousser les limites de son handicap.

Tout cela m’amène à envisager avec inquiétude la possibilité que Malia intègre cette structure à l’avenir, car des procédures comportementales ne l’amèneront pas à davantage d’autonomie, si l’aspect moteur de la rééducation ne suit pas.

Il nous a, en effet, été proposé l’année dernière que Malia intègre un IME spécialisé, à mi temps, afin de poursuivre la prise en charge en libéral, mais compte tenu de ses difficultés multiples, Malia est fatigable et il est facile d’imaginer qu’après des demi journées d’IME, elle soit trop fatiguée pour profiter pleinement de ses séances de rééducation.

Nous sommes actuellement en recherche d’activités socialisantes, à la demande du médecin du CRA, étant donné que Malia est déscolarisée. Mais je ne peux m’empêcher de m’interroger : 
Jusqu’à quel point peut-on demander à un parent de compenser les carences de l’état en matière de prise en charge des enfants autistes ?

Est ce que, pour pouvoir donner des perspectives d’avenir à Malia, je dois mettre ma vie entre parenthèses encore pour les dix années à venir ?

Sachant que le manque de structures est encore plus cruel une fois que ces enfants sont arrivés à l’âge adulte.

Force est de constater à quel point les parents d’enfants autistes sont bien souvent livrés à eux même, que ce soit dans la recherche du diagnostic, dans la mise en place d’une prise en charge adaptée ou dans la recherche d’une structure adaptée.

Durant ces deux années et demi où nous parlions d’autisme aux médecins et professionnels qui suivaient Malia, j’aurais aimé qu’au moins une de ces personnes puisse nous dire  » je ne sais pas « , au lieu de ces réponses négatives qui conduisent à l’errance pour le diagnostic et à la remise en question de nos aptitudes de parents.

Car face aux discours culpabilisants des professionnels, on se remet fatalement en question.
Il m’a fallu le diagnostic et la reconnaissance de ce handicap, avant de me sentir à nouveau  » légitime  » pour agir dans l’intérêt de notre fille, et quelques années de plus pour me déculpabiliser, et encore …
La communication et les échanges possibles avec le milieu associatif et les professionnels en libéral ont aussi contribué à cela.

Je me permets de vous donner un aperçu de notre parcours, essentiellement pour vous dire que, même en 2012, même l’année ou l’autisme est  » grande cause nationale », ce handicap est toujours aussi mal connu et appréhendé. Pour exemple, je me référerai à un médecin de l’IEM qui assimile l’autisme à des troubles du comportement.

Ceux ci ne sont pas inévitables et dans l’autisme, il faut les voir comme des symptômes d’un mal être ou d’une mauvaise prise en charge. En effet, quand on n’a pas les moyens nécessaires pour s’exprimer, ces comportements inadaptés peuvent devenir un mode de communication.

Il vous suffit de vous imaginer dans un pays étranger dont vous ne parlez et ne comprenez pas la langue, où vous n’avez pas de repères sociaux ou culturels et que vous soyez livrés à vous même : vous aurez une petite idée de ce que peut être le quotidien d’une personne autiste.

En 2012, la prise en charge des enfants autistes à l’école est toujours aussi compliquée, par manque de moyens et de formation. Il y a aussi un manque de professionnels formés et compétents, d’où la nécessité de faire de nombreux kilomètres pour une prise en charge adaptée.

Je voulais aussi vous dire que nous vivons très mal la déscolarisation de Malia, parce qu’elle est demandeuse d’aller à l’école, qu’elle rentre dans les apprentissages malgré ses troubles et aussi parce qu’il était convenu et elle le sait, qu’elle puisse y retourner, ce qui à l’heure actuelle semble très compromis. L’école a été très enrichissante pour Malia et que cela s’arrête dans ces conditions, est très pénible à vivre pour elle et pour nous, parents.

Notre vie tourne autour du handicap de Malia.

J’ai dû arrêter de travailler pour m’occuper d’elle, il y a aussi des répercussions sur la vie professionnelle et le salaire de son papa, qui doit aussi se rendre disponible pour la petite sœur de Malia, afin qu’elle ne subisse pas davantage le handicap de sa sœur. En effet, j’ai essayé d’organiser la prise en charge de Malia sur les temps où sa sœur est à l’école, mais ce n’est pas toujours possible. Par le passé, c’était sur les temps où elle était en halte garderie. C’est déjà très difficile pour notre cadette d’avoir une grande sœur avec laquelle elle ne peut pas jouer, partager, interagir ; alors, nous tenons à ce qu’elle ait une vie à elle et n’accompagne pas sa sœur sur les temps de voiture et de prises en charge.

C’est très difficile au niveau de la vie familiale et notre cadette grandissant, elle exprime sa souffrance par rapport au handicap de Malia. Et c’est aussi pour cette raison que nous souhaitons mettre en place à domicile, un suivi pour favoriser les interactions entre nos deux filles.

La souffrance de notre cadette, 5 ans et demie et son incompréhension de ce qu’implique le handicap de sa sœur, lui amène beaucoup d’anxiété et génère des problèmes de sommeil et de comportements.
Elle est en effet très opposante, c’est aussi pour elle une manière d’exprimer son mal être face à cette grande sœur particulière qu’elle croit  » méchante  » et face à ses parents qui lui consacre davantage de temps et d’attention qu’à elle.

C’est aussi pour cela que nous faisons le maximum pour Malia aujourd’hui, afin qu’elle ne soit pas dépendante de sa sœur plus tard, quand nous ne serons plus là.

J’espère qu’après cet exposé vous aurez compris à quel point c’est difficile pour nous parents d’être sur tous les fronts face au handicap de Malia, sans délaisser sa sœur et en faisant face à des difficultés financières importantes compte tenu du coup de la prise en charge de Malia.

 

  N.B.: Ce témoignage ne doit pas apporter de confusion entre AUTISME et DYSPRAXIE, car ce sont des handicaps bien différents. Cependant, vous pourriez remplacer tous les mots « autisme » de ce témoignage par le mot « dyspraxie », que vous vous y retrouveriez encore. Il en va presque pareil pour « CAMSP » et « CMP » ou « CMPP ». C’est pour cette raison que ce témoignage est précieux, pour nous, familles de dyspraxiques.

Merci à cette maman qui y a mis ses trippes.

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